Pour discuter du sens que peuvent prendre nos troubles de santé, nos symptômes, bref nos souffrances, l’exposé d’un point de vue rénové sur la nature de la vie pourrait être fructueux. Le phénomène de la vie s’exprime dans le vivant à l’aide d’organisation, de relations interactives, d’eau, d’ions et d’un peu de matière organique. La santé correspond à un fonctionnement cohérent de cet ensemble. Le signe de cette cohérence, c’est nous qui l’inventons en accordant un sens symbolique aux événements de notre vie. Depuis les années 1970-80, après la cybernétique et la pensée systémique comme nouvelles images explicatives des processus de vie, quelques théories intéressantes apportent une nouvelle manière de la décrire. Avec elles, on considère que doivent rentrer en considération pour comprendre la vie : une organisation spécifique de tous les composants d’un organisme, (semblable à la mise en œuvre d’une maquette), des variations évolutives spécifiques de son espèce (pour le développement de sa structure) et des relations interactives (qui fluctuent en permanence) entre tous ses composants. Voici donc la recette pour la vie dans ce nouveau paradigme : un volume d’organisation spécifique, quelques pincées de composants matériels à renouveler en continu et, c’est là tout le secret de la recette, des relations à toutes les échelles et des composants matériels qui fluctuent en permanence.
Organisation du vivant
Il semble que la proposition qui s’accorde le mieux avec ces idées réside dans le concept d’autopoièse proposé dès 1980 par H. Maturana et F. Varela qui donne des précisions sur l’organisation du vivant. L’autopoièse chez l’être vivant, en tant que phénomène, s’exprime par le fait extraordinaire qu’il se fabrique lui-même, qu’il subit en permanence des changements structuraux tout en maintenant son identité c’est-à-dire son organisation. Le vivant est une unité dont l’organisation ne se modifie pas on dit qu’elle est “fermée”. Evidemment, ceci nous interpelle. Comment pouvons nous changer la totalité de nos constituants matériels en moins de trois mois et rester la même personne, conserver la même personnalité ou identité ? Nous pourrions faire la comparaison avec une voiture qui est la propriété de monsieur Martin. Petit à petit il en change toutes les pièces. Elle reste une voiture identique à la précédente et la propriété de monsieur Martin. Mais ce n’est plus la même voiture et elle a forcément acquis une autre « personnalité ». En ce qui concerne l’homme ou tout autre organisme vivant, le problème est que malgré tous ces changements, même si son corps et sa personnalité évoluent, c’est toujours le même homme, la même personne que nous retrouvons, à l’opposé du phénomène décrit pour la voiture. Ceci peut indiquer que ce n’est pas le corps qui nous fournit notre identité de personne mais ce qui le fait vivre, c’est-à-dire toutes les interactions afférentes au maintien de notre organisation et de notre vie. Ces interactions s’effectuent entre éléments à l’intérieur du corps et entre le corps et l’extérieur. Elles constituent en fait notre esprit. Certains mécanismes pathogènes ne seraient pas liés aux propriétés de la matière ! Alors quels seraient-ils ?
Les relations interactives nécessaires à la vie
Ce nouveau paradigme propose deux principes opératoires pour la vie : - Le maintien de l’organisation. Cette organisation, comme nous le constatons aisément, prend la forme d’une sorte de cône que l’on peut diviser en niveaux hiérarchiques. A la base il y a les composants comme l’ADN avec les chromosomes et les gènes, il y a les cellules (1016 environ). Quand on monte dans la hiérarchie vers la pointe du cône, on trouve des éléments de plus en plus complexes (des organes) rassemblant de plus en plus d’éléments du niveau précédent, étant de moins en moins nombreux au total, pour finir par la grosse pièce unique qu’est le corps. Les interactions dans un niveau et celles entre niveaux constituent le « moteur » de la vie. Elles se caractérisent par un renouvellement complet de tous les éléments avec un rythme qui dépend de l’élément et de son niveau, tout en conservant l’organisation de l’ensemble. Ces interactions suivent des règles qui viennent sûrement de l’organisation mais elles ne sont pas figées comme dans un automatisme de machine. Elles fluctuent en permanence tout en respectant des critères de sauvegarde de l’organisation. - La transformation en continu des éléments de la structure par les interactions liées à sa dynamique interne et à ses échanges avec l’extérieur. Ces transformations sont de deux natures comme l’indique clairement F. Capra[1] : « Des changements d’auto-renouvellement. Par exemple, notre pancréas renouvelle l’essentiel de ses cellules tous les 24 heures ; notre estomac refait sa paroi tous les trois jours ; nos globules blancs sont renouvelés tous les 10 jours, et 98% des protéines de notre cerveau changent en un mois. Le deuxième type de changements implique la création de nouvelles structures, c’est-à-dire de nouvelles connexions au sein de son réseau de relations, comme c’est le cas dans les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation. »
Ce sont les interactions récurrentes (itératives ou récursives) avec l’environnement qui déclenchent les changements dans le système, on dit qu’il est “ouvert sur un flux d’énergie et de matière”. Comme on le conçoit ici, la vie serait une affaire de relations, il n’est pas hérétique d’en déduire que la santé l’est aussi ! Commencez-vous à entrevoir que les maladies pourraient être liées à des relations incohérentes dans l’organisation, le renouvellement et le développement de la structure du corps ? Et que si nous pouvions identifier ces incohérences en connaissant le contexte dans lequel elles apparaissent nous pourrions en comprendre le sens ? Ces interactions ou relations sont globalement de deux types : 1) Les interactions qui se produisent à chaque niveau dans notre image du cône, ou interactions de niveau. 2) Celles qui prennent place entre les niveaux ou interactions d’échelle. Elles ont en charge la cohérence qui va maintenir l’intégrité de l’organisation. Ce sont par exemple les interactions entre des molécules et la cellule qu’elles constituent, entre une cellule et l’organe auquel elle appartient, puis, entre l’organe considéré et l’organisme tout entier, puis des interactions qui sont responsables de la bonne intégration de l’organisme dans son écosystème environnemental, familial, professionnel, communal, national, etc. Chacun de ces deux types d’interaction peut prendre deux formes qui peuvent agir sur notre perception des choses. Elles peuvent déterminer : - des relations de « branchement » entre les constituants matériels du corps et on les nomme relations de connectivité. Elles sont représentées par des quantités mesurables, c’est-à-dire physiques, qui obéissent à une métrique. C’est de ce point de vue que l’on peut déterminer des paramètres dont les valeurs doivent rester dans une fourchette pour que l’on considère que la santé est bonne. Elles sont illustrées par exemple dans les analyses de sang ou dans des constantes comme celles qui permettent de juger de la qualité de l’homéostasie. Ce sont donc des relations quantifiables. Elles illustrent un point de vue très matérialiste de la conception de l’être vivant, en particulier de l’homme qui ne serait alors qu’une machine biologique complexe. Elles illustrent également une vision très dualiste de l’homme. Réparons le corps. Comme l’esprit en est séparé, on « réparera » l’esprit plus tard en négligeant ses interactions avec le corps. C’est la vision officielle occidentale de la médecine. Elle n’est pas complètement inutile (heureusement) parce qu’elle va chercher si quelque chose ne va pas par rapport à ces standards de la santé qui ont été déterminés à partir de mesures quantitatives. Mais, si elle est capable de faire disparaître certains symptômes avec des médicaments par exemple, elle peut en faire apparaître d’autres : les effets secondaires ou collatéraux ou indésirables. On
[1] La Toile de la Vie : Fritjof Capra, Ed du Rocher, 2003.
commence à comprendre que ses méthodes ne sauraient faire disparaître la vraie origine des symptômes. Et la raison s’en trouve dans les principes que nous venons d’exposer. - des relations de proximité ou de voisinage qui sont appelées relations de connexité. Elles ne sont pas quantifiables et leur appréciation relève de la subjectivité. Elles génèrent des états : des états chimiques, des états physiologiques, des états de conscience, des états d’être, des états émotionnels, des états de santé, etc. Un état concerne un ensemble d’éléments organisés en réseau avec des frontières et qui fonctionne comme un système. Ce fonctionnement doit mettre en évidence des qualifications ou qualités relativement à la mission que le système est censé remplir. Cette mission est définie par un objectif, un but à atteindre du point de vue des qualités. Ce but donne forcément au système en fonctionnement un sens. Le fonctionnement est sensé s’il va dans la direction du but ou l’atteint. L’estimation de l’état ne peut qu’être qualitative ou subjective et elle repose sur une connaissance du but du système et une connaissance du contexte dans lequel le système fonctionne. Des connaissances sur ces deux sujets peuvent être acquises, sans qu’elles soient exhaustives, grâce à l’étude scientifique des problèmes relationnels d’entités concrètes qu’on appelle topologie[1]. Pour la santé il en sera de même. La santé étant un état on aura beaucoup de mal à se le représenter uniquement avec les paramètres mesurables ou objectifs de la médecine classique. Son estimation, nous l’avons dit, est qualitative ou subjective et son appréciation passe par la connaissance du cadre dans lequel on l’observe, du contexte dans lequel il s’exprime et du but que l’on veut atteindre en l’observant. C’est dans cette posture que l’état de santé d’une personne révèlera ses mystères et prendra un sens.
L’eau c’est la vie ! Voici ce qu’en dit un chercheur comme Marc Henry professeur des universités en chimie et physique quantique. « Lorsqu’on étudie la composition chimique d’une cellule vivante, on s’aperçoit que si l’on compte en nombre de moles, l’eau représente plus de 99% des composants intracellulaires. Lorsqu’on se pose la question de savoir sous quelle forme se trouve cette eau, on constate qu’elle n’est ni gazeuse, ni liquide, ni solide. D’où l’idée d’un quatrième état de l’eau qui est l’eau morphogénique. Ce dernier type d’eau n’est généralement jamais cité dans les livres de biologie qui considère que l’eau dans la cellule se comporte comme de l’eau liquide. […] En fait le concept d’eau morphogénique est plus général et s’applique à tout type d’eau adsorbée sur une surface de nature organique ou minérale. Sur le plan minéral, l’eau morphogénique se manifeste sous la forme de ce qu’on appelle la terre arable. Chaque grain minéral se retrouve enveloppé dans un cocon hydrique d’eau morphogénique qui percole tout le milieu minéral donnant naissance à une terre souple et cultivable. Sur le plan du vivant, l’eau s’infiltre au sein de la matière organique (champignons ou graines) contenue dans le sol. L’eau morphogénique manifeste alors sa toute puissance en permettant aux champignons de soulever des roches et aux plantes de percer le sol pour se redresser fièrement au mépris de la gravitation. […] le même phénomène se produit lorsque l’eau entre en contact avec les résidus hydrophobes des protéines, de l’ADN, ou avec les chaines lipidiques des membranes cellulaires qui peuvent alors prendre des formes variées : cavités enzymatiques pour les protéines, double hélice pour l’ADN, et bicouches ou vésicules pour les lipides. Ce phénomène est appelé activité de l’eau (aw). » Et il conclut comme ceci : « tout être vivant peut être vu comme un tube polaire de matière organique traversé par un flux unidirectionnel d’eau et d’ions d’autant plus important que l’organisme est complexe. Dès que ce flux se trouve perturbé, c’est la maladie, voire la mort si le flux devient nul. »
Nouveau paradigme
Avec l’autopoièse pour l’organisation, la topologie pour les interactions et les propriétés “morphogéniques” de l’eau pour donner sa forme au corps un nouveau paradigme biologique est en gestation. Je pense très sincèrement que cette façon de comprendre la vie ne fera pas l’impasse sur le sens des événements factuels vécus par les humains et de sa corrélation aux différentes maladies dont ils pourraient souffrir. Plus forts de ces connaissances, il nous appartient de travailler la question. Les médecines qui prennent en compte le sens des maladies, ont donc bel et bien aujourd’hui des bases scientifiques solides, malheureusement trop méconnues, avec la théorie de l’autopoièse, la topologie et les propriétés de l’eau morphogénique. Ces théories fournissent à mon avis, le premier cadre scientifique cohérent qui dépasse vraiment la division dualiste cartésienne. L'esprit et la matière ne semblent plus appartenir à deux catégories séparées, mais représentent simplement différents aspects ou dimensions du même phénomène : la vie. La relation entre l’esprit, ou cognition pour Maturana et Varela, et le corps serait simplement une relation entre un processus et une structure. Notons que dans ce nouveau paradigme biologique c’est le corps dans sa globalité, et non pas seulement le cerveau, qui représente la structure permettant à l’esprit ou à la cognition de s’exprimer. C’est finalement le vécu de l’être qui s’incarne, et qui s’exprime alors visiblement dans la forme des organismes. D’où ma définition pour l’esprit ou la cognition : c’est le processus des relations fluctuantes à l’œuvre à toutes les échelles qui fait que l’on accorde l’état d’être vivant à un système donné.
Deux conjectures découlent de ce nouveau paradigme
- notre état de santé est étroitement lié à la qualité et à la cohérence des relations interactives que nous entretenons avec nous-mêmes et notre environnement. - il existerait une corrélation entre notre état de santé et le sens que prennent les différentes circonstances de notre vie en fonction du but qui nous anime. Pour aller au bout de l’idée et en tirer une application pratique pour la santé, il faudrait répertorier ces relations, les classer par niveaux d’organisation, les caractériser pour en préciser leurs valeurs cognitives et enfin construire un modèle global de la cognition - une théorie de l’esprit - que nous pourrions utiliser dans les entretiens médicaux. C’est ce que j’ai fait pour élaborer une pratique thérapeutique que j’ai appelé Ostéopathie cognitive.
Modèle pour l’Ostéopathie cognitive
L’organisation et les relations ou interactions que nous venons de définir peuvent se représenter en utilisant trois espaces : un espace informatif, un espace symbolique, et un espace réel. - L’espace informatif est non local (on ne peut pas donner d’endroit dans le monde réel où il se trouverait) et non observable (invisible). Il contient, comme son nom l’indique, les informations nécessaires à constituer notre état d’être vivant. - L’espace symbolique est celui de nos comportements. Cet espace va faire le lien entre l’espace informatif pour notre état d’être vivant et l’espace réel observable de notre corps. - L’espace réel est celui de l’espace-temps où nous sommes des êtres de chair avec un corps observable. Il y a donc des informations qui définissent notre état (de santé). Elles se traduisent dans nos comportements qui en sont le symbole. Et nous pouvons observer leur traduction matérielle que nous interprétons en fonction d’un contexte et d’un but. Nous pouvons maintenant définir la maladie, dans notre cadre de vision, comme étant l’expression symptomatique de nos incohérences, laquelle sera mise en évidence dans nos comportements qu’il nous faut décrypter pour en extraire le sens.
Modélisation de l’espace symbolique
J’ai modélisé les trois espaces décrits plus haut ainsi que leurs interactions. Je ne vous présente dans cet article que l’espace symbolique parce que c’est lui qui contient les clés du sens de nos symptômes. L’espace symbolique va donc contenir les paramètres de nos comportements c’est-à-dire des signes porteurs du sens de nos comportements. Je pense que ces derniers sont déterminés par trois types de mécanismes cognitifs (j’ai défini plus haut ce qu’est pour moi la cognition). - les premiers sont inconscients et assurent en permanence notre survie. Ce sont des héritages des comportements acquis par notre espèce. Ils incluent les comportements automatisés liés à notre ontogenèse. - les seconds sont conscients. Ils nous permettent une conscience attentionnelle et intentionnelle de nous-mêmes et de notre environnement. La conscience attentionnelle oriente nos prises de conscience. La conscience intentionnelle influence nos actes. - enfin, des mécanismes cognitifs destinés à passer à l’acte. Ce sont les mécanismes de l’action. En physique, l’action se concrétise dans l’espace-temps par un mouvement. En biologie nouvelle, c’est l’action (aw) de l’eau morphogénique qui est responsable des mouvements observables.
La figure 1 est une représentation symbolique de la mise en œuvre de tous ces mécanismes cognitifs.
[1] Et notamment la topologie des formes différentielles de Cartan.
[2] L’eau morphogénique dans : L’Eau, ses mystères, sa mémoire ; Marc Henry ; éditions Natur’Eau Quant. Et : L’eau et la Physique quantique, M. Henry, éditions Dangles 2016. Et : https://natureauquant.blogspot.com
Il est possible de traduire ou de compléter la figure 1 en associant à chacun des trois types de mécanismes une expression fonctionnelle possible. Ceci est très intéressant parce qu’une fonction peut être identifiée par l’observation du mouvement qu’elle génère dans l’espace-temps. Autrement dit, je décline chacun des trois types de mécanismes en types d’actions observables. J’ai choisi d’illustrer chacun d’eux avec quatre fonctions qui m’apparaissent comme pertinentes et qui vont interagir pour faire jaillir d’autres fonctions ou propriétés identifiables dans des actes concrets. Puisque j’ai choisi quatre fonctions, leurs interactions vont en faire apparaître six dans chaque type de mécanisme (figure 2). Par ce processus de relations croisées nous pouvons retrouver tout ce que nous savons sur le comportement humain. On comprend alors que l’observation de tel ou tel comportement et de l’estimation de sa « qualité » va permettre de remonter aux interactions qui « sont en panne » et donc, possiblement selon la méthode employée, de les rétablir dans leur qualification normale. Même en nous limitant au niveau d’une expression fonctionnelle de six, nous obtenons une image de notre dynamique comportementale qui peut mettre en exergue comment nous « coordonnons » notre devenir avec notre histoire, comment nos comportements passés influencent la trajectoire de nos comportements présents et futurs. Nos mécanismes conscients génèrent obligatoirement une vision de notre futur, c’est-à-dire de nos projets d’avenir. Qui dit projet conscient d’avenir dit but avoué et donc sens du comportement. Toute incohérence dans cet espace symbolique qui est en fait l’espace qui contient le sens de nos actes, provoque des troubles dits fonctionnels en médecine classique, ne manquant pas de s’incarner à terme dans l’espace réel de notre corps observable en transformant notre structure physique.
Voici ce que cela donne : cette figure mérite cependant quelques explications à lire en pages suivantes.
Figure 2
La cognition, dans l’espace symbolique, comporte trois catégories de mécanismes appréciables par l’interprétation de nos comportements (l’inconscient, l’action et le conscient). Pour comprendre ce que la figure 2 apporte concrètement, nous utiliserons quelques exemples vivants en reprenant dans notre exposé les couleurs choisies pour les différents mécanismes. L’inconscient ou notre capacité à survivre : Notre inconscient construit nos comportements destinés à notre survie à l’aide de quatre fonctions principales. Pour survivre il nous faut interagir avec notre environnement (respirer, nous nourrir, etc.) pour ce faire il nous faut expérimenter certains comportements puis sélectionner les meilleurs en fonction du but et enfin il nous faut les mémoriser pour les réutiliser à bon escient. Ces quatre fonctions principales de notre inconscient, en se combinant deux à deux, vont laisser apparaitre d’autres fonctions au nombre de six. Par exemple, face à une problématique particulière, si nous expérimentons plusieurs comportements pour n’en sélectionner qu’un, le plus efficace pour notre survie, nous pouvons dire que nous nous sommes adaptés à la situation présente. Par la suite, nous dirons de ce comportement sélectionné puis mémorisé qu’il est issu d’un mécanisme d’apprentissage. Si nous expérimentons un comportement quelconque, goûter des nouvelles sources de nourritures disponibles dans notre environnement par exemple, nous sélectionnerons celles qui sont abondantes et nous profitent sans nous rendre malades. Nous mémoriserons ces aliments et les endroits où nous pouvons les trouver. Nous nous serons adaptés à notre environnement et nous aurons appris de notre relation à lui. Au final nous aurons développé notre structure cognitive au bénéfice de la recherche de nourriture dans l’espace symbolique de notre esprit. Mais pour survivre, en nourrissant notre corps dans son espace réel, il nous faut passer à l’acte, c’est-à-dire manger ! C’est là qu’interviennent d’autres mécanismes destinés à préparer nos actions et à les rendre réelles donc effectives pour notre survie. L’action, notre capacité d’agir : Pour passer à l’acte il y a tout un enchainement de processus à mettre en œuvre. Il nous faut concevoir, initialiser, préparer cet acte dans l’espace de notre esprit, puis le projeter dans le temps pour seulement le concrétiser et enfin en assimiler le résultat dans la réalité de notre corps. Combiner ces quatre fonctions en fait apparaitre six autres toutes aussi déterminantes de la qualité de nos actes. Par exemples, concevoir ou initialiser un geste destiné à manger puis le concrétiser en saisissant de la nourriture revient à coordonner les fonctions nécessaires pour réussir ce geste. Ou bien, concrétiser le fait de manger en portant les aliments à sa bouche en association au fait d’en assimiler les nutriments revient à incorporer de la nourriture. En associant notre obligation inconsciente de nous nourrir pour survivre à notre capacité de mettre en œuvre un geste par l’action orientée vers ce but nous survivons effectivement. Mais nous comprenons facilement que si un bug, une incohérence quelconque se glisse dans ces mécanismes alors peuvent surgir des problèmes qu’on appellera maladies. Si nous sélectionnons mal notre nourriture, nous pouvons nous empoisonner. Si nous mémorisons mal ce qui est toxique pour nous alors nous nous intoxiquons. Si nous sélectionnons et mémorisons mal alors tout apprentissage devient difficile. Ces mécanismes sont valables à toutes les échelles de l’organisme : A l’échelle du corps, si nous coordonnons mal nos gestes en épluchant une pomme de terre alors on peut se couper plus ou moins profondément un doigt. A l’échelle organique, si nous assimilons mal (avec le grêle) ce que nous avons mangé, alors nous n’en profitons pas correctement, nous maigrissons malgré le fait que nous mangeons beaucoup. A l’échelle de la molécule, si nous n’incorporons pas bien le fer nous ferons de l’anémie. Nous pouvons aussi avoir des troubles liés à la relation entre deux fonctions principales : Si l’achat d’une maison (concrétisation) n’est pas conforme à la façon que nous avons de concevoir notre foyer (initialiser) c’est que nous n’avons pas suffisamment coordonné ces deux fonctions pour agir. Ainsi nous n’aurons jamais le sentiment d’être heureux en habitant cette maison. Mais avoir un sentiment est une fonction que nous offre notre conscience ! Notre conscience, cet outil précieux, nous apporte trois capacités supplémentaires. Deux sont l’apanage de la conscience seule : - donner une “saveur et une couleur” aux choses de notre vie. - nous permettre d’influencer cette mécanique froide et impitoyable qu’est l’action inconsciente. La troisième apparait par la relation que la conscience entretient avec l’inconscient et l’action : - si nous accordons consciemment un but à une action dont les paramètres initiaux sont inconscients, alors nous constatons que cette action prend un sens pour nous ! Ainsi, avec notre conscience, nous passons de la survie de notre structure corporelle à la vie qui peut prendre un sens si nous lui proposons un but. En allant dans un restaurant étoilé, nous ne mangeons plus pour survivre, nous nous procurons du plaisir en dégustant un repas hors du commun. Comme pour les deux autres grandes classes de comportements, nous décrivons la conscience avec quatre fonctions principales. Les perceptions issues de nos cinq sens nous renseignent sur le monde qui nous entoure, nous nous en faisons une représentation avec nos sensations, nous pouvons réfléchir à partir de ces données pour en gouter la complexité et les relativiser avec notre intuition ou sixième sens. Mais la conscience est un outil lent qui demande du temps et de l’énergie pour être efficace. Avec notre conscience nous pouvons “dire non” pour bloquer un acte inconscient : non, je ne mangerai pas ce fruit que je ne connais pas et qui éveille en moi une émotion de peur alors que la sensation de faim me tenaille l’estomac ! A l’aide de notre conscience nous pouvons aussi négocier avec notre inconscient : j’ai envie de découvrir de nouvelles saveurs alors je fais le choix de sortir de mon automatisme (manger tous les jours des pâtes). Il s’agit là du choix d’un jour qui n’engage pas les autres jours, il est probable que mon automatisme restera le plus fort. Avec notre conscience je peux rééduquer mon inconscient et pour que cela soit une démarche efficace je dois m’allier les vertus de l’action. Voici ce qu’il faut savoir pour ne pas s’épuiser à la tâche sans résultat durable. La démarche est la suivante : - Repérer consciemment, en y réfléchissant sainement (avec détachement et honnêteté), un automatisme ou toute autre fonctionnalité inconsciente à rééduquer. Rien ne va plus, je mange des pâtes tous les jours et je grossi, j’ai envie de maigrir un peu ! - “Dire non” dès que possible et à chaque repérage de l’action inconsciente à rééduquer. Non, je ne mangerai pas de pâtes aujourd’hui ! - Faire le choix conscient d’une autre action possible et mieux orientée vers le but à atteindre : maigrir. Aujourd’hui je mange des légumes ! - Agir en conséquence jusqu’à obtention du résultat consciemment souhaité. Je n’ai que des pâtes dans mon placard, je vais au marché (bio de préférence) acheter des légumes. - constater avec bonheur qu’un comportement de survie (manger) anciennement dénaturé par un apprentissage automatisé (petit, ma maman me cuisinait des pâtes tous les jours) a été modifié grâce à une démarche consciente en fonction d’un but (j’ai fais un choix pour maigrir) et qu’il est nouvellement incarné par mes actions réfléchies (je mange des légumes en alternance avec des pâtes et j’ai maigri de deux kilos).
Ce schéma, avec toutes ses combinaisons possibles, nous laisse entrevoir la complexité des symboliques attachées à nos comportements. Il est susceptible d’apporter un éclairage supplémentaire sur la compréhension des maladies. Avec le décodage des maladies, les symbolismes du corps et maintenant les fonctions symboliques de nos comportements nous voici encore mieux armés pour comprendre nos souffrances et rétro agir en conséquence. Ce modèle montre que, par un examen approprié, nous pouvons appréhender les mécanismes incohérents de notre façon d’être et les rééduquer consciemment en fonction d’un but qui peut être notre évolution vers un nouvel état de santé. En médecine, cette façon de procéder nourri notre quête du sens à accorder aux souffrances de nos patients et aussi et surtout nous offre des ouvertures thérapeutiques dont le but sera de rétablir de la cohérence dans cet espace symbolique par tous les moyens appropriés à notre disposition. Bien sûr ce cadre fonctionnel est générique. Pour en faire un bon usage, nous veillerons à ce que son utilisation soit personnalisée pour que le patient soit placé bien au centre de sa consultation quelque soit la méthode thérapeutique utilisée.
Ce qu’il faut retenir
Nous sommes vivants, nous avons une histoire et nous avons un devenir. Ces informations sont contenues dans un espace informatif. Notre esprit coordonne notre devenir avec notre histoire et “s’exprime” par nos comportements dans un espace symbolique. Notre esprit “travaille” avec trois outils : notre inconscient gère les informations pour notre survie, notre conscient construit un sens pour notre vie et notre capacité d’action met notre corps en mouvement dans un espace réel. Notre conscience est un des outils de notre esprit. Alimentée ou excitée par des stimuli “observables ou objectifs” (correspondant à des relations de “branchement”) captés par nos cinq sens, elle nous relie à l’espace réel de notre corps et alimentée par des stimuli “non observables ou subjectifs” (correspondant à des relations “de voisinage”) captés par notre intuition ou sixième sens, elle nous relie à l’espace informatif de nos conditions générales et à notre identité immergée dans le contexte global de notre vie. Notre conscience est l’outil principal de notre esprit au service de la construction d’un sens pour notre vie. Et enfin nous avons un corps qui actualise le tout et en permanence dans un espace réel, ce qui veut dire qu’il “incarne” exactement ce que nous faisons de notre vie (notre vécu) et surtout qu’il est le reflet du sens que nous lui accordons.
En conclusion
Evidemment ce texte fait référence à beaucoup de connaissances ou théories différentes. Je suis conscient qu’il serait nécessaire d’en développer un certain nombre pour éclairer cet article et notamment le sujet difficile du rôle de la conscience dans la construction du sens. Je suis conscient également qu’il serait utile de l’illustrer avec des exemples tirés de nos consultations, mais je souhaitais avant toutes autres choses attirer votre attention sur le fait qu’il sera de plus en plus difficile en médecine de ne pas prendre en compte le ou les sens que peuvent prendre nos symptômes avec le développement de ce nouveau paradigme biologique. Les médecines du sens prendront de plus en plus de place dans l’arsenal thérapeutique parce qu’elles placent la souffrance dans son contexte et qu’elles cherchent à la transformer en force constructrice.