Le concept.
Prémisses.
Notre pratique consiste à évaluer la cohérence des relations au sein d'un organisme quelconque et à la favoriser là où le besoin s'en fait sentir tout en respectant le strict cadre de la consultation proposé par le plaignant. Ces relations sont porteuses des informations responsables de l'organisation de la structure de l'organisme en question et de la régulation des flux nécessaires à son entretien et à son développement au cours du temps et ceci quelques soient les niveaux ou échelles considérés (molécules, cellules, organes, organisme, clan familial, clan social, etc.)
Ces relations sont globalement de deux types :
- Celles qui œuvrent à chaque niveau de cette structure, ou “relations de niveau” assurent la cohésion des éléments qui la constituent.
- Celles qui prennent place entre ces niveaux ou “relations d’échelles” garantissent le maintien de l'identité de l'organisme au cours de son développement et de sa vie.
Chacun de ces deux types de relations peut prendre deux formes qui vont conditionner notre perception du vivant en tant que soignants. Elles peuvent déterminer :
- Des relations de "branchement" entre les constituants matériels du corps, on les nomme généralement "relations de connectivité". Elles sont représentées par des quantités mesurables, c’est-à-dire observables et obéissant à une métrique. De ce fait elles sont considérées comme étant à "objectivité forte". Ce sont celles qu'utilise habituellement notre médecine conventionnelle.
- Des relations "de voisinage" qui sont appelées "relations de connexité”. Elles ne font pas référence à des quantités mesurables mais à des propriétés qualifiables dont l'appréciation trouve son intérêt et son sens grâce à un consensus intersubjectif. De ce fait elles sont considérées comme étant à "objectivité faible". Ces relations génèrent des états : des états chimiques, des états physiologiques, des états de conscience, des états d’être, des états émotionnels, des états de santé, etc. Ce sont celles dont nous pouvons ressentir et apprécier la qualité dans notre pratique de la médecine appelée Ostéopathie cognitive.
Ainsi pour travailler nous considérons le corps comme un réseau de relations, informant et organisant en différents systèmes des composants matériels qui fluctuent en permanence au cours du temps, plutôt que comme un ensemble d’entités matérielles qui seraient détentrices en elles-mêmes des informations déterminant leurs interactions.
Au final, nous sommes attentifs à des propriétés appréciables, qui nous renseignent sur différents états de l'organisme, plutôt qu’à des quantités mesurables qui nous renseignent sur le respect d’une constante d’homéostasie par exemple.
De plus dans l’exercice de notre métier, notre posture intellectuelle est strictement inverse de celle que l’on utilise en médecine conventionnelle. Dans le cadre de cette dernière le praticien, quelque soit sa pratique ou sa spécialité, est considéré comme le sachant et le patient comme celui qui ignore tout ou presque de son état de santé. Le praticien fait une anamnèse puis des examens cliniques ou/et paracliniques, en déduit un diagnostic et enfin décide du traitement qu’il considère comme étant le plus opportun.
A l’inverse donc, nous considérons que le praticien ignore tout de son patient et que ce dernier est bien le sachant, même si son “savoir” à propos de lui-même et de ses dysfonctionnements n'affleure que très partiellement sa conscience usuelle.
Nous postulons alors que son corps “connaît” sa problématique à résoudre et l’ensemble de ses solutions potentielles mais qu’il ne parvient pas, sans aide extérieure, à en mettre en œuvre une autre que celle qui motive sa symptomatologie.
Cette façon de procéder a pour conséquence immédiate de considérer que toute symptomatologie peut-être interprétée de deux façons diamétralement opposées pouvant revêtir l’allure d’un paradoxe :
Elle se ferait le porte-parole d'un problème non résolu mais aussi celui de la seule solution que le corps a trouvé et adopté pour répondre à un contexte vécu comme excessivement perturbateur (une émotion trop intense, une molécule toxique, un virus, une bactérie, un stress, une chute, un accident, un excès ou une carence, etc.).
De ce point de vue, toute symptomatologie apporte des informations précieuses symbolisant la difficulté qu’a eu le patient à mettre en place une solution adaptative optimale pour répondre à la problématique vécue. Ces informations nous offrent la possibilité d’en décoder le ou les sens possibles.
C’est dans cette posture d’écoute du corps que la relation patient-praticien prend toute sa dimension et que les “corrections” utiles au but de la consultation peuvent se faire. Elles conduisent la physiologie locale, locorégionale ou encore globale vers plus de cohérence pour l’organisation des constituants matériels concernés et plus de dynamisme pour leur fluctuation obligatoire. Au final, elles induisent une évolution de l’organisme tout entier vers un nouvel état de santé qui sera apprécié par le patient à sa juste valeur.
C’est aussi cette relation si particulière avec le patient qui autorise les praticiens que nous sommes à utiliser les données qu’elle génère pour construire un accompagnement personnalisé, circonstancié, contextuel du cadre et orienté vers le but de la consultation.
Ces données sont de deux natures :
- Celles qui sont liées à notre vécu de la consultation et font appel à notre champ de connaissances.
- Celles, toujours liées à notre vécu de la consultation, mais qui sont hors de notre champ de connaissances a priori. Elles se présentent à nous comme un “fichier compressé” qui n'est pas utilisable directement par notre conscience usuelle. Elles le seront après un certain temps nécessaire à leur décompression, dans le cadre de la consultation et en fonction de son but (la bande passante de notre conscience usuelle [1] ne serait que de 20bits/s environ alors que celle de la relation patient-praticien définie plus haut serait de 10⁷bits/s).
Ces données, (très partiellement décompressées car cette opération cognitive est fort couteuse en énergie), peuvent maintenant participer utilement à l'accompagnement de notre patient puisqu'elles ont pénétré notre champ de conscience [2]. Elles nous renseignent éventuellement sur le contexte perturbateur qui a généré la symptomatologie et sur le sens à lui accorder en fonction du but visé. Cette phase de décompression de certaines données contextuelles implicites à tout événement vécu représente un des processus cognitif inné d'acquisition de connaissances au service du vivant. Il est malheureusement trop méconnu car il œuvre toujours en arrière plan de notre conscience usuelle. Cependant il l'alimente en permanence sans que nous nous en rendions compte officiellement et serait en lien direct avec nos intentions conscientes et notre subconscient. Il s'agit donc ici de le faire sortir de l'ombre, de le magnifier et de l'utiliser à bon escient.
Cette phase de la consultation est cruciale car elle garantit la personnalisation et la contextualité de l’accompagnement de chacun de nos patients.
Nous avons appelé “Ostéopathie cognitive” cette façon de procéder. Tout en travaillant nous utilisons certaines de nos facultés cognitives pour gérer des données en rapport avec notre champ de connaissances et nous en utilisons d’autres, autorisées par ce processus particulier d’acquisition de connaissances, pour le décodage et l'utilisation de données complémentaires générées par la relation patient-praticien elle-même.
En résumé une consultation en Ostéopathie cognitive est constituée de quatre phases qui sont le plus souvent imbriquées les une dans les autres :
1. l'accueil du patient qui présente sa symptomatologie.
2. les "corrections" manuelles.
3. le décodage d'une partie des informations implicites à la relation en cours en vue d'un accompagnement personnalisé.
4. la vérification que le travail global effectué respecte bien le cadre initial et le but de la consultation.
[1] D'après Tor Norretranders, école d'Erlangen, 1998.
[2] De l'information à l'exformation : une histoire de vide, d'eau et d'ADN. Pr Marc Henry, 2015.
La quête de sens en médecine aurait elle un sens ?
Pour discuter de l'intérêt d'appréhender au mieux le sens que peuvent prendre nos troubles de santé, nos symptômes, bref nos souffrances, l’exposé d’un point de vue rénové sur la nature de la vie pourrait être fructueux.
Le phénomène de la vie s’exprime dans une structure corporelle quelconque à l’aide d'un plan d'organisation qui lui est spécifique, de flux d’eau et d’ions, d’un peu de matière organique et enfin de relations interactives porteuses des informations utiles au maintien de son organisation, à son entretien et à son développement au cours du temps.
La santé correspond au fonctionnement cohérent de cet ensemble. Le signe de cette cohérence, c’est nous qui l’inventons en accordant un sens symbolique aux événements de notre vie. Ce sens étant lui-même conditionné par la flèche du temps.
Voici donc les ingrédients et la recette pour la réalisation d'un organisme vivant dans ce nouveau paradigme, prenez :
- un volume d'informations utiles pour construire la structure qui lui sera spécifique,
- une pincée de matière organique pour habiller cette structure,
- initialisez un flux continu d'eau, d'ions et de composants matériels à renouveler en continu pour élaborer sa forme et assurer son entretien ainsi que son développement au cours du temps,
- ajouter ce qu'il convient de relations interactives assurant la stabilité de son organisation à toutes ses échelles et la cohésion de ses éléments matériels à chacun de ses niveaux.
- pour apprécier le sens que celui-ci donnera à sa vie… Observez le en action !
Organisation du vivant
Depuis les années 1970-80, après la cybernétique et la pensée systémique comme nouvelles images explicatives des processus de la vie, quelques théories intéressantes apportent une nouvelle manière de la décrire.
Il semble que la proposition qui s’accorde le mieux avec ces idées réside dans le concept d’autopoièse proposé dès 1980 par H. Maturana et F. Varela [1] qui donne des précisions sur l’organisation du vivant. L’autopoièse chez l’être vivant, en tant que phénomène, s’exprime par le fait extraordinaire qu’il se fabrique lui-même, qu’il subit en permanence des changements structuraux tout en maintenant son identité c’est-à-dire son organisation. Le vivant est une unité dont l’organisation ne se modifie pas, on dit qu’elle est “fermée”.
Evidemment, ceci nous interpelle. Comment pouvons nous changer la totalité de nos constituants matériels en moins de trois mois et rester la même personne, conserver la même personnalité ou identité ?
Nous pourrions faire la comparaison avec une voiture qui est la propriété de monsieur Martin. Petit à petit il en change toutes les pièces. Elle reste une voiture identique à la précédente et la propriété de monsieur Martin. Mais ce n’est plus la même voiture et elle a forcément acquis une autre « personnalité ». En ce qui concerne l’homme ou tout autre organisme vivant, le problème est que malgré tous ces changements, même si son corps et sa personnalité évoluent, c’est toujours le même homme, la même personne que nous retrouvons, à l’opposé du phénomène décrit pour la voiture.
Ceci peut indiquer que ce n’est pas le corps qui nous fournit notre identité de personne mais ce qui le fait vivre, c’est-à-dire toutes les interactions afférentes au maintien et à la stabilité de son organisation au cours de sa vie. Ces interactions s’effectuent entre les éléments à l’intérieur du corps et entre le corps et son environnement. Elles constitueraient en fait notre esprit. Certains mécanismes pathogènes pourraient donc ne pas être liés aux seules propriétés de la matière mais aux relations entre les entités matérielles qui composent notre corps !
Les relations interactives nécessaires à la vie
Ce nouveau paradigme propose deux mécanismes opératoires à la base du phénomène de la vie :
- Le maintien de l’organisation globale de la structure d'un organisme vivant au cours du temps. Cette organisation, comme nous le constatons aisément, prend la forme d’une sorte de cône que l’on peut diviser en niveaux hiérarchiques. A la base il y a les composants comme l’ADN avec les chromosomes et les gènes, il y a les cellules (10 puissance 16 environ). Quand on monte dans la hiérarchie vers la pointe du cône, on trouve des éléments de plus en plus complexes (des organes) rassemblant de plus en plus d’éléments du niveau précédent, étant de moins en moins nombreux au total, pour finir par la grosse pièce unique qu’est le corps.
Les interactions dans un niveau et celles entre niveaux constituent le « moteur » de la vie. Elles se caractérisent par un renouvellement complet de tous les éléments avec un rythme qui dépend de l’élément lui-même et de son niveau dans la pyramide, tout en conservant l’organisation globale de l’ensemble. Ces interactions suivent des règles qui viennent sûrement de l’organisation mais elles ne sont pas figées comme dans un automatisme de machine. Elles fluctuent en permanence tout en respectant des critères de sauvegarde de l’organisation.
- La transformation en continu des éléments de la structure par les interactions liées à sa dynamique interne et à ses échanges avec l’extérieur. Ces transformations sont de deux natures comme l’indique clairement F. Capra [2] :
« Des changements d’auto-renouvellement. Par exemple, notre pancréas renouvelle l’essentiel de ses cellules tous les 24 heures ; notre estomac refait sa paroi tous les trois jours ; nos globules blancs sont renouvelés tous les 10 jours, et 98% des protéines de notre cerveau changent en un mois. Le deuxième type de changements implique la création de nouvelles structures, c’est-à-dire de nouvelles connexions au sein de son réseau de relations, comme c’est le cas dans les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation. »
Ce sont les interactions récurrentes (itératives ou récursives) avec l’environnement qui déclenchent les changements dans le système, on dit qu’il est “ouvert sur un flux d’entropie et d'information”.
Comme on le conçoit ici, la vie serait une affaire de relations, il ne serait donc pas hérétique d’en déduire que la santé le soit aussi !
Commencez-vous à entrevoir que les maladies pourraient être liées à des relations incohérentes dans l’organisation, le renouvellement et le développement de la structure de notre corps ? Et que si nous pouvions identifier ces incohérences en connaissant le contexte dans lequel elles apparaissent nous pourrions en comprendre le sens et ainsi concevoir de nouvelles possibilités thérapeutiques ?
Ces interactions ou relations sont globalement de deux types :
1) Les interactions qui se produisent à chaque niveau d'organisation dans notre image du cône, ou interactions de niveau.
2) Celles qui prennent place entre les niveaux d'organisation ou interactions d’échelles.
Elles ont en charge de maintenir la stabilité de l’organisation globale de notre corps au cours du temps de sa vie :
- en assurant la bonne cohérence des informations qui transitent entre les niveaux d'organisation.
- en synchronisant les éléments matériels à tous les niveaux de cette organisation.
Ce sont par exemple les interactions entre les atomes qui composent les molécules qui constituent une cellule puis entre toutes les cellules d'un organe puis entre l’organe considéré et l’organisme tout entier. Ces interactions sont encore responsables de la bonne intégration de l’organisme dans son écosystème environnemental, familial, professionnel, communal, national, etc.
Chacun de ces deux types d’interaction peut prendre deux formes qui peuvent agir sur notre perception des choses. Elles peuvent déterminer :
- des relations de "branchement" entre les constituants matériels du corps et on les nomme "relations de connectivité". Elles sont représentées par des quantités mesurables, c’est-à-dire observables obéissant à une métrique. C’est de ce point de vue que l’on peut déterminer des paramètres dont les valeurs doivent rester dans une fourchette pour que l’on considère que la santé est bonne. Elles sont illustrées par exemple dans les analyses de sang ou dans des constantes comme celles qui permettent de juger de la qualité de l’homéostasie.
Elles illustrent un point de vue très matérialiste de la conception de l’être vivant, en particulier de l’homme qui ne serait alors qu’une machine biologique complexe. Elles illustrent également une vision très dualiste de l’homme et du vivant en général. Réparons le corps. Comme l’esprit en est séparé, on « réparera » l’esprit plus tard en négligeant ses interactions avec le corps. C’est la vision officielle occidentale de la médecine. Elle n’est pas complètement inutile (heureusement) parce qu’elle va chercher si quelque chose ne va pas par rapport à ces standards de la santé qui ont été déterminés à partir de mesures quantitatives. Mais, si elle est capable de faire disparaître certains symptômes avec des médicaments par exemple, elle peut en faire apparaître d’autres : les effets secondaires ou collatéraux ou indésirables.
On commence à comprendre que ces méthodes ne sauraient faire disparaître la vraie origine des symptômes. Et la raison s’en trouve dans les principes que nous venons d’exposer.
- des relations "de voisinage" qui sont appelées "relations de connexité" . Elles ne font pas référence à des quantités mesurables mais à des propriétés dont l'appréciation relève de l'intersubjectivité. Elles génèrent des états : des états chimiques, des états physiologiques, des états de conscience, des états d’être, des états émotionnels, des états de santé, etc.
Un état concerne un ensemble d’éléments organisés en réseau avec des frontières et qui fonctionne comme un système. Ce fonctionnement doit mettre en évidence des qualifications ou qualités relativement à la mission que le système est censé remplir. Cette mission est définie par un objectif, un but à atteindre du point de vue des qualités. Ce but donne forcément au système en fonctionnement un sens. Le fonctionnement est sensé s’il va dans la direction du but ou l’atteint.
L’estimation d'un état ne peut qu’être qualitative ou subjective et elle repose sur une connaissance du but du système et du contexte dans lequel il fonctionne. Cette estimation de l’état d’un système en fonctionnement relève en général de l’étude scientifique des problèmes relationnels d’entités concrètes qu’on appelle topologie.
Pour la santé il en sera de même. La santé étant un état on aura beaucoup de mal à se le représenter uniquement avec les paramètres mesurables ou objectifs de la médecine classique. Son estimation, nous l’avons dit, est qualitative ou subjective et son appréciation passe par la connaissance du cadre dans lequel on l’observe, du contexte dans lequel il s’exprime et du but que l’on veut atteindre en l’observant. C’est dans cette posture que l’état de santé d’une personne révèlera ses mystères et prendra un sens.
L’eau morphogénique [3]
L’eau c’est la vie !
Voici ce qu’en dit un chercheur comme Marc Henry professeur des universités en chimie et physique quantique.
« Lorsqu’on étudie la composition chimique d’une cellule vivante, on s’aperçoit que si l’on compte en nombre de moles, l’eau représente plus de 99% des composants intracellulaires. Lorsqu’on se pose la question de savoir sous quelle forme se trouve cette eau, on constate qu’elle n’est ni gazeuse, ni liquide, ni solide. D’où l’idée d’un quatrième état de l’eau qui est l’eau morphogénique. Ce dernier type d’eau n’est généralement jamais cité dans les livres de biologie qui considère que l’eau dans la cellule se comporte comme de l’eau liquide. […] En fait le concept d’eau morphogénique est plus général et s’applique à tout type d’eau adsorbée sur une surface de nature organique ou minérale.
Sur le plan minéral, l’eau morphogénique se manifeste sous la forme de ce qu’on appelle la terre arable. Chaque grain minéral se retrouve enveloppé dans un cocon hydrique d’eau morphogénique qui percole tout le milieu minéral donnant naissance à une terre souple et cultivable.
Sur le plan du vivant, l’eau s’infiltre au sein de la matière organique (champignons ou graines) contenue dans le sol. L’eau morphogénique manifeste alors sa toute puissance en permettant aux champignons de soulever des roches et aux plantes de percer le sol pour se redresser fièrement au mépris de la gravitation. […] le même phénomène se produit lorsque l’eau entre en contact avec les résidus hydrophobes des protéines, de l’ADN, ou avec les chaines lipidiques des membranes cellulaires qui peuvent alors prendre des formes variées : cavités enzymatiques pour les protéines, double hélice pour l’ADN, et bicouches ou vésicules pour les lipides. Ce phénomène est appelé activité de l’eau (aw). »
Et il conclut comme ceci : « Tout être vivant peut être vu comme un tube polaire de matière organique traversé par un flux unidirectionnel d’eau et d’ions d’autant plus important que l’organisme est complexe. Dès que ce flux se trouve perturbé, c’est la maladie, voire la mort si le flux devient nul. »
Nouveau paradigme
Avec l’autopoièse pour l’organisation, la topologie pour les interactions et les propriétés “morphogéniques” de l’eau pour donner sa forme au corps, un nouveau paradigme biologique est en gestation.
Je pense très sincèrement que cette façon de comprendre la vie ne fera pas l’impasse sur le sens des événements factuels vécus par les humains (ou toute autre forme de vie observée) ni sur sa corrélation aux différentes maladies dont ils pourraient souffrir. Plus forts de ces connaissances, il nous appartient de travailler la question.
Les médecines qui prennent en compte le sens des maladies, ont donc bel et bien aujourd’hui des bases scientifiques solides, malheureusement trop méconnues, avec la théorie de l’autopoièse, la topologie et les propriétés de l’eau morphogénique.
Ces théories fournissent à mon avis, le premier cadre scientifique cohérent qui dépasse vraiment la division dualiste cartésienne. L'esprit et la matière ne semblent plus appartenir à deux catégories séparées, mais représentent simplement différents aspects ou dimensions du même phénomène : la vie. La relation entre l’esprit, et le corps serait simplement une relation entre un processus et une structure. Notons que dans ce nouveau paradigme biologique c’est le corps dans sa globalité, et non pas seulement le cerveau, qui représente la structure permettant à l’esprit ou à la cognition de s’exprimer [4].
D’où ma définition pour l’esprit : c’est le processus des relations à l’œuvre à toutes les échelles qui fait qu'on accorde l’état d’être vivant à un système donné.
Et ma définition pour la cognition : c'est la dynamique de ce processus qui inclut l'acquisition de connaissances, leur mémorisation et leur utilisation cohérente.
C’est finalement le vécu des organismes vivants, actualisé en permanence, qui s’incarne en continu et qui s’exprime alors visiblement dans leur forme et leur structure.
Deux conjectures découlent de ce nouveau paradigme
1) Notre état de santé est étroitement lié à la qualité et à la cohérence des relations interactives que nous entretenons avec nous-mêmes et notre environnement.
2) Il existe une corrélation entre notre état de santé et le sens que prennent les différentes circonstances de notre vie en fonction du but qui nous anime.
Pour aller au bout de l’idée et en tirer une application pratique pour la santé, il faudrait répertorier ces relations, les classer par niveaux d’organisation, les caractériser pour en préciser leurs valeurs cognitives et enfin construire un modèle global de la vie - une théorie de l’esprit - que nous pourrions utiliser dans les consultations médicales.
C’est ce que j’ai tenté de faire pour élaborer une pratique thérapeutique que j’ai appelé Ostéopathie cognitive.
Modèle pour l’Ostéopathie cognitive
L'ensemble dynamique des relations ou interactions à l'œuvre pour l’organisation, le développement et le renouvellement des constituants de notre corps et pour lui assurer durablement son état d'être vivant, peut être représenté en utilisant trois espaces : un espace informatif , un espace symbolique et un espace observable.
- L’espace informatif est non local (on ne peut pas donner d’endroit dans le monde réel où il se trouverait) et non observable (invisible avec nos outils de mesure classiques). Il contient, comme son nom l’indique, les informations nécessaires à constituer notre état d’être vivant.
- L’espace symbolique est celui de nos comportements, de notre corps en action. C'est aussi l'espace de notre vécu (notre vie, son histoire et son devenir). Il fait le lien entre l’espace informatif et l’espace observable de notre corps.
- L’espace observable est celui de l’espace-temps où nous sommes des êtres de chair avec un corps observable.
Il y a donc des informations qui définissent notre état d’être vivant. Elles se manifestent par nos comportements qui en sont l'expression symbolique. Ainsi nous pouvons observer leur traduction corporelle que nous interprétons en fonction d’un contexte et d’un but.
Si le contexte est la consultation médicale et le but la résolution d’une problématique accompagnée d’un cortège de symptômes alors l’état de l'être vivant ainsi observé représente son état de santé actuel.
Nous pouvons maintenant définir la maladie, dans notre cadre de vision, comme étant l’expression symptomatique de nos incohérences, laquelle sera mise en évidence dans nos comportements puis dans la structure de notre corps. Ce sont ces comportements qu’il nous faut décrypter pour en extraire le sens.
J’ai modélisé les trois espaces décrits plus haut ainsi que leurs interactions dans une approche théorique plus complète en d'autres lieux.
Il me semble que c'est l’espace symbolique, celui de notre corps en action, qui caractérise le mieux notre état d'être donc également notre état de santé. C'est lui qui contient les clés du sens de nos symptômes. Il nous faut apprendre à les décoder, ce qui nécessite une attention soutenue et circonstanciée à notre corps qui incarne et actualise notre vécu en permanence.
En conclusion
La quête du sens de nos souffrances devrait faire partie intégrante de toutes nos réflexions personnelles en vue de la résolution de nos problématiques quotidiennes (et des symptômes qui les accompagnent) et de toutes médecines soucieuses de placer le patient au centre de sa consultation en tenant compte de ses particularismes personnels ainsi que du contexte dans lequel s'exprime sa symptomatologie.
Claude Mangeot
le 03/12/2021
[1] H. Maturana et F. Varela : Autopoiesis the organisation of the living, Editorial Universitaria, Santiago, 1980.
[2] La Toile de la Vie : Fritjof Capra, Ed du Rocher, 2003.
[3] L’eau morphogénique ; Marc Henry ; éditions Dangles, 2020.
[4] H. Maturana et F. Varela : Autopoiesis and cognition, Reidel, Dordrecht, 1980.
Prémisses.
Notre pratique consiste à évaluer la cohérence des relations au sein d'un organisme quelconque et à la favoriser là où le besoin s'en fait sentir tout en respectant le strict cadre de la consultation proposé par le plaignant. Ces relations sont porteuses des informations responsables de l'organisation de la structure de l'organisme en question et de la régulation des flux nécessaires à son entretien et à son développement au cours du temps et ceci quelques soient les niveaux ou échelles considérés (molécules, cellules, organes, organisme, clan familial, clan social, etc.)
Ces relations sont globalement de deux types :
- Celles qui œuvrent à chaque niveau de cette structure, ou “relations de niveau” assurent la cohésion des éléments qui la constituent.
- Celles qui prennent place entre ces niveaux ou “relations d’échelles” garantissent le maintien de l'identité de l'organisme au cours de son développement et de sa vie.
Chacun de ces deux types de relations peut prendre deux formes qui vont conditionner notre perception du vivant en tant que soignants. Elles peuvent déterminer :
- Des relations de "branchement" entre les constituants matériels du corps, on les nomme généralement "relations de connectivité". Elles sont représentées par des quantités mesurables, c’est-à-dire observables et obéissant à une métrique. De ce fait elles sont considérées comme étant à "objectivité forte". Ce sont celles qu'utilise habituellement notre médecine conventionnelle.
- Des relations "de voisinage" qui sont appelées "relations de connexité”. Elles ne font pas référence à des quantités mesurables mais à des propriétés qualifiables dont l'appréciation trouve son intérêt et son sens grâce à un consensus intersubjectif. De ce fait elles sont considérées comme étant à "objectivité faible". Ces relations génèrent des états : des états chimiques, des états physiologiques, des états de conscience, des états d’être, des états émotionnels, des états de santé, etc. Ce sont celles dont nous pouvons ressentir et apprécier la qualité dans notre pratique de la médecine appelée Ostéopathie cognitive.
Ainsi pour travailler nous considérons le corps comme un réseau de relations, informant et organisant en différents systèmes des composants matériels qui fluctuent en permanence au cours du temps, plutôt que comme un ensemble d’entités matérielles qui seraient détentrices en elles-mêmes des informations déterminant leurs interactions.
Au final, nous sommes attentifs à des propriétés appréciables, qui nous renseignent sur différents états de l'organisme, plutôt qu’à des quantités mesurables qui nous renseignent sur le respect d’une constante d’homéostasie par exemple.
De plus dans l’exercice de notre métier, notre posture intellectuelle est strictement inverse de celle que l’on utilise en médecine conventionnelle. Dans le cadre de cette dernière le praticien, quelque soit sa pratique ou sa spécialité, est considéré comme le sachant et le patient comme celui qui ignore tout ou presque de son état de santé. Le praticien fait une anamnèse puis des examens cliniques ou/et paracliniques, en déduit un diagnostic et enfin décide du traitement qu’il considère comme étant le plus opportun.
A l’inverse donc, nous considérons que le praticien ignore tout de son patient et que ce dernier est bien le sachant, même si son “savoir” à propos de lui-même et de ses dysfonctionnements n'affleure que très partiellement sa conscience usuelle.
Nous postulons alors que son corps “connaît” sa problématique à résoudre et l’ensemble de ses solutions potentielles mais qu’il ne parvient pas, sans aide extérieure, à en mettre en œuvre une autre que celle qui motive sa symptomatologie.
Cette façon de procéder a pour conséquence immédiate de considérer que toute symptomatologie peut-être interprétée de deux façons diamétralement opposées pouvant revêtir l’allure d’un paradoxe :
Elle se ferait le porte-parole d'un problème non résolu mais aussi celui de la seule solution que le corps a trouvé et adopté pour répondre à un contexte vécu comme excessivement perturbateur (une émotion trop intense, une molécule toxique, un virus, une bactérie, un stress, une chute, un accident, un excès ou une carence, etc.).
De ce point de vue, toute symptomatologie apporte des informations précieuses symbolisant la difficulté qu’a eu le patient à mettre en place une solution adaptative optimale pour répondre à la problématique vécue. Ces informations nous offrent la possibilité d’en décoder le ou les sens possibles.
C’est dans cette posture d’écoute du corps que la relation patient-praticien prend toute sa dimension et que les “corrections” utiles au but de la consultation peuvent se faire. Elles conduisent la physiologie locale, locorégionale ou encore globale vers plus de cohérence pour l’organisation des constituants matériels concernés et plus de dynamisme pour leur fluctuation obligatoire. Au final, elles induisent une évolution de l’organisme tout entier vers un nouvel état de santé qui sera apprécié par le patient à sa juste valeur.
C’est aussi cette relation si particulière avec le patient qui autorise les praticiens que nous sommes à utiliser les données qu’elle génère pour construire un accompagnement personnalisé, circonstancié, contextuel du cadre et orienté vers le but de la consultation.
Ces données sont de deux natures :
- Celles qui sont liées à notre vécu de la consultation et font appel à notre champ de connaissances.
- Celles, toujours liées à notre vécu de la consultation, mais qui sont hors de notre champ de connaissances a priori. Elles se présentent à nous comme un “fichier compressé” qui n'est pas utilisable directement par notre conscience usuelle. Elles le seront après un certain temps nécessaire à leur décompression, dans le cadre de la consultation et en fonction de son but (la bande passante de notre conscience usuelle [1] ne serait que de 20bits/s environ alors que celle de la relation patient-praticien définie plus haut serait de 10⁷bits/s).
Ces données, (très partiellement décompressées car cette opération cognitive est fort couteuse en énergie), peuvent maintenant participer utilement à l'accompagnement de notre patient puisqu'elles ont pénétré notre champ de conscience [2]. Elles nous renseignent éventuellement sur le contexte perturbateur qui a généré la symptomatologie et sur le sens à lui accorder en fonction du but visé. Cette phase de décompression de certaines données contextuelles implicites à tout événement vécu représente un des processus cognitif inné d'acquisition de connaissances au service du vivant. Il est malheureusement trop méconnu car il œuvre toujours en arrière plan de notre conscience usuelle. Cependant il l'alimente en permanence sans que nous nous en rendions compte officiellement et serait en lien direct avec nos intentions conscientes et notre subconscient. Il s'agit donc ici de le faire sortir de l'ombre, de le magnifier et de l'utiliser à bon escient.
Cette phase de la consultation est cruciale car elle garantit la personnalisation et la contextualité de l’accompagnement de chacun de nos patients.
Nous avons appelé “Ostéopathie cognitive” cette façon de procéder. Tout en travaillant nous utilisons certaines de nos facultés cognitives pour gérer des données en rapport avec notre champ de connaissances et nous en utilisons d’autres, autorisées par ce processus particulier d’acquisition de connaissances, pour le décodage et l'utilisation de données complémentaires générées par la relation patient-praticien elle-même.
En résumé une consultation en Ostéopathie cognitive est constituée de quatre phases qui sont le plus souvent imbriquées les une dans les autres :
1. l'accueil du patient qui présente sa symptomatologie.
2. les "corrections" manuelles.
3. le décodage d'une partie des informations implicites à la relation en cours en vue d'un accompagnement personnalisé.
4. la vérification que le travail global effectué respecte bien le cadre initial et le but de la consultation.
[1] D'après Tor Norretranders, école d'Erlangen, 1998.
[2] De l'information à l'exformation : une histoire de vide, d'eau et d'ADN. Pr Marc Henry, 2015.
La quête de sens en médecine aurait elle un sens ?
Pour discuter de l'intérêt d'appréhender au mieux le sens que peuvent prendre nos troubles de santé, nos symptômes, bref nos souffrances, l’exposé d’un point de vue rénové sur la nature de la vie pourrait être fructueux.
Le phénomène de la vie s’exprime dans une structure corporelle quelconque à l’aide d'un plan d'organisation qui lui est spécifique, de flux d’eau et d’ions, d’un peu de matière organique et enfin de relations interactives porteuses des informations utiles au maintien de son organisation, à son entretien et à son développement au cours du temps.
La santé correspond au fonctionnement cohérent de cet ensemble. Le signe de cette cohérence, c’est nous qui l’inventons en accordant un sens symbolique aux événements de notre vie. Ce sens étant lui-même conditionné par la flèche du temps.
Voici donc les ingrédients et la recette pour la réalisation d'un organisme vivant dans ce nouveau paradigme, prenez :
- un volume d'informations utiles pour construire la structure qui lui sera spécifique,
- une pincée de matière organique pour habiller cette structure,
- initialisez un flux continu d'eau, d'ions et de composants matériels à renouveler en continu pour élaborer sa forme et assurer son entretien ainsi que son développement au cours du temps,
- ajouter ce qu'il convient de relations interactives assurant la stabilité de son organisation à toutes ses échelles et la cohésion de ses éléments matériels à chacun de ses niveaux.
- pour apprécier le sens que celui-ci donnera à sa vie… Observez le en action !
Organisation du vivant
Depuis les années 1970-80, après la cybernétique et la pensée systémique comme nouvelles images explicatives des processus de la vie, quelques théories intéressantes apportent une nouvelle manière de la décrire.
Il semble que la proposition qui s’accorde le mieux avec ces idées réside dans le concept d’autopoièse proposé dès 1980 par H. Maturana et F. Varela [1] qui donne des précisions sur l’organisation du vivant. L’autopoièse chez l’être vivant, en tant que phénomène, s’exprime par le fait extraordinaire qu’il se fabrique lui-même, qu’il subit en permanence des changements structuraux tout en maintenant son identité c’est-à-dire son organisation. Le vivant est une unité dont l’organisation ne se modifie pas, on dit qu’elle est “fermée”.
Evidemment, ceci nous interpelle. Comment pouvons nous changer la totalité de nos constituants matériels en moins de trois mois et rester la même personne, conserver la même personnalité ou identité ?
Nous pourrions faire la comparaison avec une voiture qui est la propriété de monsieur Martin. Petit à petit il en change toutes les pièces. Elle reste une voiture identique à la précédente et la propriété de monsieur Martin. Mais ce n’est plus la même voiture et elle a forcément acquis une autre « personnalité ». En ce qui concerne l’homme ou tout autre organisme vivant, le problème est que malgré tous ces changements, même si son corps et sa personnalité évoluent, c’est toujours le même homme, la même personne que nous retrouvons, à l’opposé du phénomène décrit pour la voiture.
Ceci peut indiquer que ce n’est pas le corps qui nous fournit notre identité de personne mais ce qui le fait vivre, c’est-à-dire toutes les interactions afférentes au maintien et à la stabilité de son organisation au cours de sa vie. Ces interactions s’effectuent entre les éléments à l’intérieur du corps et entre le corps et son environnement. Elles constitueraient en fait notre esprit. Certains mécanismes pathogènes pourraient donc ne pas être liés aux seules propriétés de la matière mais aux relations entre les entités matérielles qui composent notre corps !
Les relations interactives nécessaires à la vie
Ce nouveau paradigme propose deux mécanismes opératoires à la base du phénomène de la vie :
- Le maintien de l’organisation globale de la structure d'un organisme vivant au cours du temps. Cette organisation, comme nous le constatons aisément, prend la forme d’une sorte de cône que l’on peut diviser en niveaux hiérarchiques. A la base il y a les composants comme l’ADN avec les chromosomes et les gènes, il y a les cellules (10 puissance 16 environ). Quand on monte dans la hiérarchie vers la pointe du cône, on trouve des éléments de plus en plus complexes (des organes) rassemblant de plus en plus d’éléments du niveau précédent, étant de moins en moins nombreux au total, pour finir par la grosse pièce unique qu’est le corps.
Les interactions dans un niveau et celles entre niveaux constituent le « moteur » de la vie. Elles se caractérisent par un renouvellement complet de tous les éléments avec un rythme qui dépend de l’élément lui-même et de son niveau dans la pyramide, tout en conservant l’organisation globale de l’ensemble. Ces interactions suivent des règles qui viennent sûrement de l’organisation mais elles ne sont pas figées comme dans un automatisme de machine. Elles fluctuent en permanence tout en respectant des critères de sauvegarde de l’organisation.
- La transformation en continu des éléments de la structure par les interactions liées à sa dynamique interne et à ses échanges avec l’extérieur. Ces transformations sont de deux natures comme l’indique clairement F. Capra [2] :
« Des changements d’auto-renouvellement. Par exemple, notre pancréas renouvelle l’essentiel de ses cellules tous les 24 heures ; notre estomac refait sa paroi tous les trois jours ; nos globules blancs sont renouvelés tous les 10 jours, et 98% des protéines de notre cerveau changent en un mois. Le deuxième type de changements implique la création de nouvelles structures, c’est-à-dire de nouvelles connexions au sein de son réseau de relations, comme c’est le cas dans les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation. »
Ce sont les interactions récurrentes (itératives ou récursives) avec l’environnement qui déclenchent les changements dans le système, on dit qu’il est “ouvert sur un flux d’entropie et d'information”.
Comme on le conçoit ici, la vie serait une affaire de relations, il ne serait donc pas hérétique d’en déduire que la santé le soit aussi !
Commencez-vous à entrevoir que les maladies pourraient être liées à des relations incohérentes dans l’organisation, le renouvellement et le développement de la structure de notre corps ? Et que si nous pouvions identifier ces incohérences en connaissant le contexte dans lequel elles apparaissent nous pourrions en comprendre le sens et ainsi concevoir de nouvelles possibilités thérapeutiques ?
Ces interactions ou relations sont globalement de deux types :
1) Les interactions qui se produisent à chaque niveau d'organisation dans notre image du cône, ou interactions de niveau.
2) Celles qui prennent place entre les niveaux d'organisation ou interactions d’échelles.
Elles ont en charge de maintenir la stabilité de l’organisation globale de notre corps au cours du temps de sa vie :
- en assurant la bonne cohérence des informations qui transitent entre les niveaux d'organisation.
- en synchronisant les éléments matériels à tous les niveaux de cette organisation.
Ce sont par exemple les interactions entre les atomes qui composent les molécules qui constituent une cellule puis entre toutes les cellules d'un organe puis entre l’organe considéré et l’organisme tout entier. Ces interactions sont encore responsables de la bonne intégration de l’organisme dans son écosystème environnemental, familial, professionnel, communal, national, etc.
Chacun de ces deux types d’interaction peut prendre deux formes qui peuvent agir sur notre perception des choses. Elles peuvent déterminer :
- des relations de "branchement" entre les constituants matériels du corps et on les nomme "relations de connectivité". Elles sont représentées par des quantités mesurables, c’est-à-dire observables obéissant à une métrique. C’est de ce point de vue que l’on peut déterminer des paramètres dont les valeurs doivent rester dans une fourchette pour que l’on considère que la santé est bonne. Elles sont illustrées par exemple dans les analyses de sang ou dans des constantes comme celles qui permettent de juger de la qualité de l’homéostasie.
Elles illustrent un point de vue très matérialiste de la conception de l’être vivant, en particulier de l’homme qui ne serait alors qu’une machine biologique complexe. Elles illustrent également une vision très dualiste de l’homme et du vivant en général. Réparons le corps. Comme l’esprit en est séparé, on « réparera » l’esprit plus tard en négligeant ses interactions avec le corps. C’est la vision officielle occidentale de la médecine. Elle n’est pas complètement inutile (heureusement) parce qu’elle va chercher si quelque chose ne va pas par rapport à ces standards de la santé qui ont été déterminés à partir de mesures quantitatives. Mais, si elle est capable de faire disparaître certains symptômes avec des médicaments par exemple, elle peut en faire apparaître d’autres : les effets secondaires ou collatéraux ou indésirables.
On commence à comprendre que ces méthodes ne sauraient faire disparaître la vraie origine des symptômes. Et la raison s’en trouve dans les principes que nous venons d’exposer.
- des relations "de voisinage" qui sont appelées "relations de connexité" . Elles ne font pas référence à des quantités mesurables mais à des propriétés dont l'appréciation relève de l'intersubjectivité. Elles génèrent des états : des états chimiques, des états physiologiques, des états de conscience, des états d’être, des états émotionnels, des états de santé, etc.
Un état concerne un ensemble d’éléments organisés en réseau avec des frontières et qui fonctionne comme un système. Ce fonctionnement doit mettre en évidence des qualifications ou qualités relativement à la mission que le système est censé remplir. Cette mission est définie par un objectif, un but à atteindre du point de vue des qualités. Ce but donne forcément au système en fonctionnement un sens. Le fonctionnement est sensé s’il va dans la direction du but ou l’atteint.
L’estimation d'un état ne peut qu’être qualitative ou subjective et elle repose sur une connaissance du but du système et du contexte dans lequel il fonctionne. Cette estimation de l’état d’un système en fonctionnement relève en général de l’étude scientifique des problèmes relationnels d’entités concrètes qu’on appelle topologie.
Pour la santé il en sera de même. La santé étant un état on aura beaucoup de mal à se le représenter uniquement avec les paramètres mesurables ou objectifs de la médecine classique. Son estimation, nous l’avons dit, est qualitative ou subjective et son appréciation passe par la connaissance du cadre dans lequel on l’observe, du contexte dans lequel il s’exprime et du but que l’on veut atteindre en l’observant. C’est dans cette posture que l’état de santé d’une personne révèlera ses mystères et prendra un sens.
L’eau morphogénique [3]
L’eau c’est la vie !
Voici ce qu’en dit un chercheur comme Marc Henry professeur des universités en chimie et physique quantique.
« Lorsqu’on étudie la composition chimique d’une cellule vivante, on s’aperçoit que si l’on compte en nombre de moles, l’eau représente plus de 99% des composants intracellulaires. Lorsqu’on se pose la question de savoir sous quelle forme se trouve cette eau, on constate qu’elle n’est ni gazeuse, ni liquide, ni solide. D’où l’idée d’un quatrième état de l’eau qui est l’eau morphogénique. Ce dernier type d’eau n’est généralement jamais cité dans les livres de biologie qui considère que l’eau dans la cellule se comporte comme de l’eau liquide. […] En fait le concept d’eau morphogénique est plus général et s’applique à tout type d’eau adsorbée sur une surface de nature organique ou minérale.
Sur le plan minéral, l’eau morphogénique se manifeste sous la forme de ce qu’on appelle la terre arable. Chaque grain minéral se retrouve enveloppé dans un cocon hydrique d’eau morphogénique qui percole tout le milieu minéral donnant naissance à une terre souple et cultivable.
Sur le plan du vivant, l’eau s’infiltre au sein de la matière organique (champignons ou graines) contenue dans le sol. L’eau morphogénique manifeste alors sa toute puissance en permettant aux champignons de soulever des roches et aux plantes de percer le sol pour se redresser fièrement au mépris de la gravitation. […] le même phénomène se produit lorsque l’eau entre en contact avec les résidus hydrophobes des protéines, de l’ADN, ou avec les chaines lipidiques des membranes cellulaires qui peuvent alors prendre des formes variées : cavités enzymatiques pour les protéines, double hélice pour l’ADN, et bicouches ou vésicules pour les lipides. Ce phénomène est appelé activité de l’eau (aw). »
Et il conclut comme ceci : « Tout être vivant peut être vu comme un tube polaire de matière organique traversé par un flux unidirectionnel d’eau et d’ions d’autant plus important que l’organisme est complexe. Dès que ce flux se trouve perturbé, c’est la maladie, voire la mort si le flux devient nul. »
Nouveau paradigme
Avec l’autopoièse pour l’organisation, la topologie pour les interactions et les propriétés “morphogéniques” de l’eau pour donner sa forme au corps, un nouveau paradigme biologique est en gestation.
Je pense très sincèrement que cette façon de comprendre la vie ne fera pas l’impasse sur le sens des événements factuels vécus par les humains (ou toute autre forme de vie observée) ni sur sa corrélation aux différentes maladies dont ils pourraient souffrir. Plus forts de ces connaissances, il nous appartient de travailler la question.
Les médecines qui prennent en compte le sens des maladies, ont donc bel et bien aujourd’hui des bases scientifiques solides, malheureusement trop méconnues, avec la théorie de l’autopoièse, la topologie et les propriétés de l’eau morphogénique.
Ces théories fournissent à mon avis, le premier cadre scientifique cohérent qui dépasse vraiment la division dualiste cartésienne. L'esprit et la matière ne semblent plus appartenir à deux catégories séparées, mais représentent simplement différents aspects ou dimensions du même phénomène : la vie. La relation entre l’esprit, et le corps serait simplement une relation entre un processus et une structure. Notons que dans ce nouveau paradigme biologique c’est le corps dans sa globalité, et non pas seulement le cerveau, qui représente la structure permettant à l’esprit ou à la cognition de s’exprimer [4].
D’où ma définition pour l’esprit : c’est le processus des relations à l’œuvre à toutes les échelles qui fait qu'on accorde l’état d’être vivant à un système donné.
Et ma définition pour la cognition : c'est la dynamique de ce processus qui inclut l'acquisition de connaissances, leur mémorisation et leur utilisation cohérente.
C’est finalement le vécu des organismes vivants, actualisé en permanence, qui s’incarne en continu et qui s’exprime alors visiblement dans leur forme et leur structure.
Deux conjectures découlent de ce nouveau paradigme
1) Notre état de santé est étroitement lié à la qualité et à la cohérence des relations interactives que nous entretenons avec nous-mêmes et notre environnement.
2) Il existe une corrélation entre notre état de santé et le sens que prennent les différentes circonstances de notre vie en fonction du but qui nous anime.
Pour aller au bout de l’idée et en tirer une application pratique pour la santé, il faudrait répertorier ces relations, les classer par niveaux d’organisation, les caractériser pour en préciser leurs valeurs cognitives et enfin construire un modèle global de la vie - une théorie de l’esprit - que nous pourrions utiliser dans les consultations médicales.
C’est ce que j’ai tenté de faire pour élaborer une pratique thérapeutique que j’ai appelé Ostéopathie cognitive.
Modèle pour l’Ostéopathie cognitive
L'ensemble dynamique des relations ou interactions à l'œuvre pour l’organisation, le développement et le renouvellement des constituants de notre corps et pour lui assurer durablement son état d'être vivant, peut être représenté en utilisant trois espaces : un espace informatif , un espace symbolique et un espace observable.
- L’espace informatif est non local (on ne peut pas donner d’endroit dans le monde réel où il se trouverait) et non observable (invisible avec nos outils de mesure classiques). Il contient, comme son nom l’indique, les informations nécessaires à constituer notre état d’être vivant.
- L’espace symbolique est celui de nos comportements, de notre corps en action. C'est aussi l'espace de notre vécu (notre vie, son histoire et son devenir). Il fait le lien entre l’espace informatif et l’espace observable de notre corps.
- L’espace observable est celui de l’espace-temps où nous sommes des êtres de chair avec un corps observable.
Il y a donc des informations qui définissent notre état d’être vivant. Elles se manifestent par nos comportements qui en sont l'expression symbolique. Ainsi nous pouvons observer leur traduction corporelle que nous interprétons en fonction d’un contexte et d’un but.
Si le contexte est la consultation médicale et le but la résolution d’une problématique accompagnée d’un cortège de symptômes alors l’état de l'être vivant ainsi observé représente son état de santé actuel.
Nous pouvons maintenant définir la maladie, dans notre cadre de vision, comme étant l’expression symptomatique de nos incohérences, laquelle sera mise en évidence dans nos comportements puis dans la structure de notre corps. Ce sont ces comportements qu’il nous faut décrypter pour en extraire le sens.
J’ai modélisé les trois espaces décrits plus haut ainsi que leurs interactions dans une approche théorique plus complète en d'autres lieux.
Il me semble que c'est l’espace symbolique, celui de notre corps en action, qui caractérise le mieux notre état d'être donc également notre état de santé. C'est lui qui contient les clés du sens de nos symptômes. Il nous faut apprendre à les décoder, ce qui nécessite une attention soutenue et circonstanciée à notre corps qui incarne et actualise notre vécu en permanence.
En conclusion
La quête du sens de nos souffrances devrait faire partie intégrante de toutes nos réflexions personnelles en vue de la résolution de nos problématiques quotidiennes (et des symptômes qui les accompagnent) et de toutes médecines soucieuses de placer le patient au centre de sa consultation en tenant compte de ses particularismes personnels ainsi que du contexte dans lequel s'exprime sa symptomatologie.
Claude Mangeot
le 03/12/2021
[1] H. Maturana et F. Varela : Autopoiesis the organisation of the living, Editorial Universitaria, Santiago, 1980.
[2] La Toile de la Vie : Fritjof Capra, Ed du Rocher, 2003.
[3] L’eau morphogénique ; Marc Henry ; éditions Dangles, 2020.
[4] H. Maturana et F. Varela : Autopoiesis and cognition, Reidel, Dordrecht, 1980.